Sur Sathorn, au coin de Suan Phlu, près de la station Shell, la rue était bloquée au trafic des voitures jusqu’au coin de Lumpini, juste au-dessous du Thai-Belgian Bridge. Entre ces deux points : un calme complet, presque irréel, à l’opposée du trafic incessant habituel de cette avenue.
Même silence près du parc Lumpini où les rues commencent à retrouver un visage « normal », malgré quelques barrages militaires et des barbelés. Sur les bas côtés, des éclats de vitres et des pneus sont entassés, prêts à être enlevés. Au coin de Wireless Road, une puanteur émane des centaines de poubelles qui jonchent la rue.
C’est à Silom, près de la statue du roi Rama VI, que le changement est le plus flagrant : plus de barricades, de pneus, de barbelés, d'amoncellements de bambou, qui protégeaient le camp des Rouges. Les tentes ont déjà été complètement démontées. De nombreux camions citernes arrosent le sol noirci par les fumées des pneus, bus et autres camions incendiés.
En revanche, l’avenue Ratchadamri, en direction du carrefour de Ratchaprasong, reste parsemée d’une multitude de vêtements et des nombreux accessoires abandonnés par les manifestants qui ont campé sur place pendant plus de deux mois. Sous une chaleur humide, des équipes de nettoyage forment des tas de détritus qui seront ramassés à l'aide de tractopelles : objets personnels, restes de nourriture, robes de moines... tout y passe.
A deux cents mètres du Central World, des soldats bloquent l’accès. Une bombe, laissée par les manifestants dans leur fuite, est en train d’être désamorcée. Un Canadien, habitant tout près, raconte même avoir découvert un M16 en bas de chez lui...
Juste à côté, sur Lang Suan, la rue déserte, sans un bruit. Seule une gargotte a ouvert au milieu de la rue, sans aucun client… Au coin de Ploenchit, les militaires se reposent à l’ombre, non loin de deux bus brûlés par les flammes, sous la structure en béton noircie de la ligne de BTS.
Une fois la menace de la bombe réglée, les quelques journalistes restants et les nombreux curieux, appareil photo en main, peuvent accéder au Central World, toujours fumant et arrosé par les pompiers, après un passage près de la fameuse scène où pendant plus d'un mois, chaque soir, les discours enflammés des leaders rouges se sont succédé. Des ouvriers commencent à construire des barrières de protection en bois autour du Central World, éventré comme si un missile l'avait percuté.
L’odeur de plastique brûlé était encore persistante. Pour une raison inconnue, une jeep militaire, qui sillonne la zone, diffuse des chansons de pop thaïe. L’ambiance sur place laisse penser que la page des violents affrontements des derniers jours est en en train de se tourner. Des soldats, de jeunes appelés pour la plupart, souriants, en t-shirt, se relaxent, sans arme à la main.
A Siam Square, au temple de Pathum Wanaram, théâtre des derniers affrontements, à l’intersection Din Daeng, au marché de Klong Toey, même ambiance : un calme de lendemain agité... Sur Rama IV, alors que les pompiers arrosent encore les immeubles brûlés le long de l’avenue, des équipes réparent les lignes téléphoniques et électriques abîmées.
Bangkok retrouve ses couleurs, son agitation perpétuelle, en attendant, peut-être, de retrouver son sourire.